Personnes de dos assises dans une salle de réunion en train d'écouter un intervenant parlant dans un micro en face d'elles.
POP MIND – Festisol 2024, Rennes © Hernán Melo

La Rencontre du Festisol se tient chaque année en parallèle du festival des Solidarités. Initié par le CRID, et coporté par une grande diversité de structures, ce rendez-vous des acteurs de la solidarité internationale et de l’éducation à la citoyenneté est élaboré dans une démarche d’éducation populaire. Il s’organise autour de débats politiques et d’ateliers d’échanges de pratiques et d’approches pédagogiques impliquantes et émancipatrices.

Les rencontres nationales POP MIND, coordonnées par l’UFISC, ont lieu tous les deux ans sur un territoire différent. Cet événement du secteur culturel, mais plus largement du champ associatif et de l’économie sociale et solidaire, se présente comme un temps de rencontre professionnel, citoyen, interterritorial et prospectif. Il réunit habituellement une quarantaine d’organisations partenaires qui coconstruisent le rassemblement avec les acteurs locaux et les partenaires publics. 

Pour la première fois en 2024 l’UFISC et le CRID se sont associés pour organiser leur événement national sur un temps commun. Quel intérêt, notamment politique, aviez-vous à mutualiser ces rencontres ?

Alice Duplay : Nos réseaux se connaissaient depuis longtemps et l’idée de coproduire cet événement ensemble a émergé pendant notre Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités Les Universités d’été des mouvements sociaux et des solidarités (UEMSS) sont organisées tous les deux ans depuis 2018 par un large collectif d’associations, de syndicats, de collectifs citoyens. La prochaine rencontre se tiendra à Bordeaux à l’été 2025.. Il nous a semblé pertinent de travailler avec l’UFISC parce que nous portons des valeurs et des enjeux communs sur les questions de démocratie, de participation citoyenne, de lutte contre les idées d’extrême droite, ainsi qu’une ambition de changement social. Nous souhaitions aussi renforcer la place des acteurs culturels déjà présents pendant le Festisol. Il y avait donc un grand intérêt à associer nos temps d’échanges pour, d’une part, enrichir nos réflexions mutuelles et, d’autre part, développer la complémentarité entre nos réseaux et nos approches.

Patricia Coler : Du côté de l’UFISC il nous paraissait extrêmement important de réaffirmer des formes de solidarité qui prennent en compte l’altérité et la défense des droits humains, particulièrement attaqués au niveau national, européen et international. POP MIND est déjà un espace ouvert qui essaye de penser la coopération, de croiser des forces citoyennes et d’articuler une diversité de regards et de participants. L’association de secteurs différents donne de la puissance d’agir et favorise la coproduction des savoirs et de projets collectifs. Il y avait pour nous un sens profond à travailler de façon plus resserrée avec le CRID et les réseaux de la solidarité internationale parce qu’ils nous amènent à faire des pas de côté nécessaires pour penser les enjeux de migrations, d’hospitalité, les luttes contre les rapports de domination. Par ailleurs, au-delà d’une vision commune, nos deux collectifs ont des cultures de travail, d’animation (participation, éducation populaire) et de mobilisation qui se complètent. 

Parlons justement de la coconstruction des rencontres en 2024. Comment avez-vous organisé la coopération entre vos deux réseaux réunissant une cinquantaine de structures fédératives ou associatives partenaires ? 

Jessica Duquenne : Les rencontres POP MIND se préparent un an à l’avance. Les organisations membres de l’UFISC débattent des angles de l’édition à venir, fixent la date et le territoire sur lequel on souhaite s’implanter. Il a toujours été dans l’ADN de POP MIND de s’élargir et la particularité cette année a été d’inclure ces réseaux de la solidarité internationale dans un comité de pilotage étendu, avec des méthodes d’animation participatives, proposées par le CRID.

Patricia Coler : L’événement POP MIND en tant que tel dure trois jours. C’est un temps joyeux, contributif et rassembleur (plus de 400 participants en mai cette année) qui est l’aboutissement d’une démarche. Mais le processus coopératif en amont compte pour nous autant, voire davantage. La coconstruction du programme est un vrai moment d’interconnaissance, de curiosité, de décentrement et de coapprentissage entre les organisations. De décembre 2023 à février 2024 nous avons animé à distance des réunions mensuelles regroupant l’ensemble des structures partenaires.

Alice Duplay : Ces rencontres en visio ont permis de croiser nos regards et identifier nos complémentarités. Nous avons aussi lancé un appel à contribution pour faire émerger des thématiques d’atelier et des petits groupes de personnes qui se sont engagés à les animer. Plus de quarante activités proposées ont vu le jour https://www.pop-mind.eu/wp-content/uploads/2024/05/24_POPMINDxFestisol_programme-3-jours-COMPLET-2.pdf.

Patricia Coler : Un autre élément clé de ce processus de travail a été le « POP UP », rassemblement en présentiel, que nous avons organisé en février à l’Antipode – Rennes, territoire d’accueil cette année. C’était le premier moment de croisement réel entre les réseaux de Festisol et de POP MIND, qui s’est avéré très fructueux, notamment pour travailler sur l’ancrage local et d’organiser l’autogestion au sein des groupes. 

Alice Duplay : La bonne surprise a été d’avoir autant d’ateliers mutualisés, de collaboration entre les membres des deux réseaux culture-ESS et solidarité. Cette première rencontre en présentiel était aussi importante pour déveloper la qualité de la relation. Au CRID nous articulons toujours la dimension collective et la dimension interpersonnelle. Le soin apporté aux relations est considéré comme un acte politique. 

Et en parlant d’engagement politique, j’ai trouvé très inspirants nos échanges sur la tribune commune, initiative que nous n’avions jamais eue sur le Festisol.

Jessica Duquenne : Oui nous avons organisé la coécriture d’une tribune à partir des comités de pilotage mensuels, qui a permis de présenter au grand public et à la presse notre démarche collective et le fil rouge de l’édition 2024 : « Culture et solidarité, l’urgence d’agir en commun ! ». Cet appel dépassait les champs culturels et de la solidarité internationale et a permis d’afficher une ligne politique forte.

Patricia Coler : Ce que j’ai aussi trouvé marquant dans ce processus coopératif en amont de l’événement c’est la confiance, l’enthousiasme et le volontarisme de toutes les organisations partenaires, qui se sont engagées bénévolement. On ne s’attendait pas à un tel investissement. J’aimerais aussi souligner l’enjeu de la souplesse, très important à l’heure où l’on nous demande souvent d’être cadrés, formalisés, d’avoir des projets calibrés un an à l’avance… Pour nous, équipe de coordination, le défi était de pouvoir accompagner le collectif là où il souhaitait s’orienter, sans définir à l’avance l’endroit où il devait aller. 

Deux personnes tenant une feuille de paper board sur lequel il est écrit : « le droit international est-il un levier intéressant pour une répartition et gouvernance plus juste de l'eau ? »
POP MIND – Festisol 2024, Rennes © Hernán Melo

Quels enseignements tirez-vous de cette première collaboration et quelles suites avez-vous envie de cultiver ensemble ?

Patricia Coler : Nos deux collectifs ont tiré de cette première édition en commun un bilan très positif. Nous avons approfondi la connaissance entre nos deux réseaux, mais aussi auprès des acteurs territoriaux. Du fait du positionnement de l’UFISC en tant que fédération, POP MIND a parfois tendance à se focaliser sur des enjeux sectoriels, notamment ceux du spectacle vivant. En 2024 nous avons élargi le spectre des sujets, qui ont largement dépassé le champ du secteur culturel https://www.pop-mind.eu/wp-content/uploads/2024/05/24_POPMINDxFestisol_programme-3-jours-COMPLET-2.pdf, et les thématiques se sont nourries de la diversité des regards. Nous avons aussi davantage articulé la dimension professionnelle avec la dimension citoyenne. 

Jessica Duquenne : Je pense que le défi de POP MIND restera toujours de s’ouvrir au-delà du secteur culturel. La tribune coécrite a été un bon outil de mobilisation politique plus large, sur les enjeux de démocratie et de lutte contre les idées d’extrême droite. C’est à reproduire lors des prochaines éditions.

Patricia Coler : Concernant l’engagement politique, il y a une chose à laquelle on ne s’attendait pas : le travail commun et approfondi autour de ces rencontres a permis de réagir rapidement et collectivement pendant la séquence politique qui a suivi l’événement, à savoir les élections européennes, la dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives. Grâce à cette riche collaboration nous étions prêts à nous mobiliser et prendre la parole, aussi bien à un niveau national que local.

Alice Duplay : Je me retrouve parfaitement dans ce que viennent de dire Patricia et Jessica. Nous avons besoin les uns des autres pour avoir un réel impact sur le changement social et construire des alternatives. Notamment en travaillant la question des imaginaires et en contribuant à des récits collectifs autres que ceux qui nous sont imposés et qui sont vecteurs de rapports de domination, entre les êtres humains et sur le vivant.