
Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai vingt-quatre ans et je suis actuellement en première année de master « Direction de projets culturels » à Sciences Po Grenoble. Auparavant, j’ai obtenu une licence de sciences humaines appliquées à l’université Grenoble Alpes. Mon parcours est un peu particulier parce qu’il s’est étendu sur plusieurs années car, en parallèle, je suis sportif de haut niveau : je pratique la danse sur glace en couple. Je pense que c’est aussi cette fibre-là, ce côté artistique du sport qui m’a amené à avoir un intérêt plus poussé pour la danse et à travailler sur ce sujet dans mon mémoire.
Je suis actuellement en stage à Villa Glovettes pour quelques mois, et j’apprends beaucoup : je découvre une large palette de compétences professionnelles dans le secteur culturel. Et puis ça me fait voir le Vercors d’une autre façon parce que, depuis dix ans, j’en ai une approche plutôt sportive et là, je le regarde autrement.
Comment est née l’envie de travailler sur ce sujet de mémoire ?
J’ai depuis longtemps une fascination pour l’Opéra de Paris – et pour la danse en général. Je me suis dit que ce serait une opportunité d’aller creuser, fouiller et voir l’arrière de la scène. Dépasser le simple fait d’apprécier le ballet, la danse, le mouvement et l’histoire pour aboutir à une réflexion. Cela faisait également écho à un cours que j’avais suivi l’année dernière et qui m’avait vraiment fait prendre conscience que les questions de société traversent le secteur culturel.
En pensant à la danse et à cette problématique de diversité ethno-raciale, la danse classique et l’Opéra de Paris me sont immédiatement venus en tête pour ces raisons de traditions que l’on connaît. J’ai trouvé que c’était un beau point de tension entre quelque chose que j’admire et un sujet important qui m’a tenu en haleine pendant tous ces mois durant lesquels j’ai réalisé ce travail.
Votre terrain d’enquête vous a-t-il surpris ?
Oui et non. Je savais d’avance que l’Opéra de Paris serait un terrain assez verrouillé, surtout pour ce sujet sensible et délicat. Je me doutais qu’il allait falloir faire preuve de perspicacité, de persévérance et de finesse pour aborder cette question si j’avais l’occasion de m’entretenir avec des membres de cette institution.
Dans le même temps, j’avais bien conscience aussi que dans les traditions, l’histoire du ballet et de l’Opéra, il existe une sorte de racisme inhérent, tout un contexte de colonisation et d’impérialisme occidental, et c’est aussi ça qui m’intéressait : comment cette histoire et ces traditions qui sont encore représentées sur la scène de l’Opéra de Paris entrent en tension avec les enjeux contemporains de diversité. Mais je dois reconnaître avoir été surpris par la vitesse à laquelle ce dernier s’en est saisi en mettant des choses en place depuis cinq ans. Les résultats ne pourront se voir que sur un temps assez long, parce que ça demande des réflexions de fond tant sur les procédures de recrutement pour intégrer l’École que sur la conception plus large de l’institution, mais je trouve que là, ça a quand même beaucoup évolué à plein d’endroits : avec le comité de la diversité, la contextualisation des œuvres, la manière de représenter les danseurs et les danseuses, de les maquiller et de les coiffer, etc. En cinq ans, pour une telle institution aussi ancrée et installée, ça m’a donné un peu d’espoir.
Depuis l’affaire George Floyd, notamment, j’ai l’impression que beaucoup d’institutions se sont questionnées sur leur rapport à la blanchité, au racisme, et aux discriminations. Il y a eu aussi le manifeste des artistes et du personnel de l’Opéra pour dénoncer l’absence de diversité, un changement de direction, très volontaire sur cette question, etc. Tout ça a donné un cadre général qui fait avancer les choses. On sent bien aujourd’hui que c’est incontournable. L’Opéra a une réelle volonté de se moderniser et de s’éloigner de l’image poussiéreuse que l’on pourrait en avoir. Il est donc obligé de prendre en compte ces questions de diversité, de même que le problème de la transition écologique, par exemple.
Que voudriez-vous faire évoluer dans le secteur culturel ?
J’aimerais évidemment plus de représentation de toutes les diversités (ethno-raciale, de genre, des corps, etc.) sur scène mais aussi en coulisses, que ce soit dans la danse, le cinéma, le théâtre. On voit très rarement des personnes plus âgées qui dansent passé quarante ans. Tout comme au cinéma, c’est bien connu que, passé un certain âge, une femme a moins de chance d’être retenue pour un film. Cela peut paraître facile de dire ça, mais voir davantage de diversité est réellement quelque chose que je souhaite parce que ce sera sans doute une force pour s’adresser à d’autres publics. Ce qui rejoint la notion des droits culturels et l’idée de « faire culture » tous ensemble. Donc, en tous points de vue, la diversité est une force essentielle pour y parvenir.